Notre ligne éditoriale

Les soumissions de manuscrits sont ouvertes depuis environ une semaine, et nous en avons déjà reçu plusieurs. Merci à tous les auteurs qui nous ont fait confiance ! Nous avons été heureux de voir que l’intention exprimée dans le billet fondateur a résonné auprès de nombreuses personnes. Plusieurs retours concordants indiquent cependant que notre ligne éditoriale, certes peu orthodoxe, demeure floue pour certains. Le présent article a pour but de la clarifier autant que possible.

En guise d’introduction, il faut rappeler que la ligne éditoriale n’est rien de plus qu’une description du type de textes que la maison d’édition souhaite recevoir. En aucun cas il ne s’agit d’un jugement sur les œuvres qui n’y correspondent pas : Le Chant du Cygne s’est créé autour d’une certaine sensibilité et dans le cadre d’un projet artistique précis et cela implique une présélection indépendante des qualités intrinsèques du projet. Il ne fait aucun doute que nous devrons refuser d’excellents manuscrits parce qu’ils n’adhèrent pas à la vision générale portée par la maison d’édition. Il est probable aussi que nous acceptions des textes imparfaits pour la simple raison qu’une rencontre a lieu sur le plan intellectuel voire spirituel. En un mot comme en cent, la ligne éditoriale est définie de manière purement arbitraire, sans aucune prétention de supériorité vis-à-vis de positionnements divergents voire opposés.

Par nature, une ligne éditoriale possède également une forme de flexibilité. Il est préférable, mais pas indispensable, de cocher toutes les cases pour que le projet soit considéré positivement. L’auteur est le mieux placé pour sentir si, a priori, il retrouve son travail dans l’esprit de la ligne éditoriale exprimée.

Ces considérations exprimées, détaillons à présent notre ligne éditoriale. Le Chant du Cygne est un éditeur de l’imaginaire, qui recherche des « œuvres d’art destinées aux adultes, sombres, engagées et qui mettent l’accent sur la dimension esthétique ».

Imaginaire

Notre intérêt pour les mondes imaginaires s’explique par le fait que s’affranchir des contraintes du monde réel permet de déployer des jeux symboliques extrêmement expressifs. Par ailleurs, le recul apparent vis-à-vis de la réalité permet de l’aborder sous des angles nouveaux, et de traiter des sujets qui pourraient sembler trop durs sans cette distance apportée par un cadre imaginaire. Tous les sous-genres de l’imaginaire sont les bienvenus, de la dark fantasy à la science-fiction apocalyptique.

Les travaux qui n’appartiennent pas au domaine de l’imaginaire peuvent exceptionnellement être considérés. Mais sur quatre ouvrages publiés dans l’année par Le Chant du Cygne, un seul (tout au plus) pourra déroger à cette contrainte.

Adulte

Le Chant du Cygne cible explicitement un public adulte. Cela se traduit par le traitement de thèmes matures, par des intrigues complexes et nuancées, et un style littéraire qui peut librement se montrer exigeant. Cet aspect est important pour nous, et il s’agit de la contrainte sur laquelle nous aurons le plus de mal à faire de concessions.

Définir précisément la limite entre un récit young-adult (YA) et adulte peut s’avérer délicat. Une méthode (pas infaillible) suggérée est de se baser sur le ou les personnages principaux du roman. Les mécanismes d’identification impliquent généralement que les protagonistes correspondent au profil socio-culturel du public visé. En d’autres termes, si le héros est adolescent, lycéen ou étudiant, il est probable que le texte s’adresse à ces mêmes catégories. Des entreprises de subversion des codes ou de déconstruction pourraient évidemment mettre en scène des personnages jeunes tout en restant fermement destinées aux adultes.

Les projets YA et jeunesse n’entrent pas dans notre ligne éditoriale. Nous laissons les auteurs évaluer leur public visé au moment de la soumission sans fournir de critères.

Sombre

Nous souhaitons recevoir des textes noirs, pesants, dérangeants, qui explorent les coins reculés de l’âme humaine. Nous voulons aller là où les autres ne vont pas, parce qu’il peut exister une forme de grâce dans la souffrance, parce qu’après tout les histoires ne se terminent pas toujours bien. Le Chant du Cygne veut jeter une lumière obscure sur les douleurs qui se vivent en silence.

Cet aspect ne doit pas être compris de manière littérale : nous n’avons aucune exigence sur le caractère horrifique ou non des textes, pas plus que nous requérons des descriptions méticuleuses de violence explicite. Nous avons en revanche des attentes en ce qui concerne sa dimension intellectuelle et psychologique.

Engagé

Cet aspect est sans doute le plus nébuleux, tant la notion d’engagement peut varier d’un individu à l’autre. Peut-être est-il plus facile de le définir par la négative : on pourrait opposer les textes engagés aux textes divertissants. Il faut rappeler une nouvelle fois ici qu’aucune hiérarchisation n’est sous-entendue. Différents auteurs écrivent pour différentes raisons et l’objet n’est évidemment pas de verser dans le prosélytisme.

Les textes divertissants ont pour but de faire vivre une expérience au lecteur. De le faire voyager, rêver, de l’émerveiller. Les textes engagés ont plutôt une vocation expressive ou démonstrative : ils cherchent à mettre en évidence quelque chose. Au cours des dernières années lors de nombreuses discussions amicales avec des auteurs, nous avons pu demander : « Quel est le message du texte ? ». Il n’est pas grave qu’aucune réponse ne vienne, mais cela tend à indiquer que le roman vise plutôt le divertissement.

À titre d’exemple, la série Black Mirror est adulte, sombre, et engagée – sa critique de l’impact des nouvelles technologies dans nos vies crève les yeux. D’un autre côté, Game of Thrones serait seulement adulte et sombre. Au regard de la définition (parfaitement arbitraire et peu rigoureuse) choisie et sans vouloir créer de polémique, sa dimension « engagement » n’est pas claire. Cela ne remet bien sûr pas en cause les qualités littéraires ou télévisuelles que chacun voudra lui prêter.

Esthétique

Ce paragraphe n’est pas le lieu adapté pour entamer une ontologie de la beauté, aussi nous contenterons nous de définir cet aspect à travers l’intention de l’auteur. Il suffit de pouvoir affirmer en toute sincérité : « j’ai essayé d’écrire quelque chose de beau ». Les styles littéraires soignés, voire recherchés, sont particulièrement appréciés.

Nous espérons que cet article aura permis de clarifier le type de texte que Le Chant du Cygne recherche, et attendons vos manuscrits avec impatience !